Inclus mais à genoux: dignité, pouvoir et blanchité dans nos institutions (l'inclusion sous condition)
- Dominique Bergiers

- 13 oct.
- 3 min de lecture

Dans les écoles et les associations sportives, on parle d’inclusion.
On parle de valeurs, de respect, de dialogue.
Mais dans les faits, les parents, surtout ceux qui ne rentrent pas dans la norme, se voient trop souvent remis à leur place.
Une convocation intentionnellement vague.
Un ton moralisateur.
Un “entretien en personne” pour “échanger de manière constructive”.
Les mots sont polis, mais le message est clair : on va t’expliquer comment ça se passe.
Ce n'est pas un malentendu individuel, c'est un héritage collectif.
Ce sont des structures qui reproduisent des hiérarchies implicites.
Les institutions éducatives et sportives sont ainsi construites autour d’une norme dominante, opposant:
ceux qui édictent et qui "t'expliquent",
et, de l’autre côté, ceux qui subissent et doivent se justifier.
Et quand tu n’as pas les codes, que tu ne rentres pas dans la norme sociale, que tu n’as pas le luxe de rester neutre, la structure te positionne souvent à la marge.
On appelle ça inclusion, mais à condition de rester silencieux, reconnaissant, obéissant.
Dans ces dynamiques, pour les familles fragilisées (qu’il s’agisse de contraintes financières, familiales, professionnelles, de santé ou autres), participer devient souvent un parcours d’humiliation: s'exécuter sans discuter, se justifier pour chaque demande, supplier pour un aménagement.
Certains parents racisés, par peur du rejet ou par désir de ne pas se confronter à la norme dominante, adoptent un silence ou une docilité apparente. Ils donnent l’impression de plaire, de jouer le jeu, de ne pas déranger.
Ce comportement n’est pas anodin: il reflète une un mécanisme systémique, où se conformer devient une stratégie de survie, tout en amplifiant la marginalisation des autres.
Et si, toi, tu oses dire non, c'est vu comme un refus de collaborer.
Et puis l'autre maman le fait bien, elle, alors pourquoi pas toi?
Mais, pardon, refuser l’infantilisation, ou poser ses limites, ce n’est pas refuser la coopération.
C’est réclamer un rapport d’égalité.
Ce paternalisme institutionnel s’inscrit dans des systèmes plus larges: patriarcat, capitalisme et blanchité, qui partagent une même racine: celle de la domination présentée comme bienveillance.
Les mères, surtout les mères racisées, en sont les cibles favorites.
On les appelle “courageuses” quand elles se plient.
On les dit “difficiles” quand elles osent se défendre.
La blanchité ici n’est pas une couleur de peau, mais une norme universelle implicite, qui dicte le ton, les émotions acceptables, les règles à suivre.
Le patriarcat dicte les rôles et les comportements attendus des mères.
Le capitalisme transforme l’accès aux espaces collectifs en marchandisation de la participation.
Nommer cette violence n’est pas se victimiser.
C’est refuser que la souffrance soit invisibilisée au nom du calme institutionnel.
C’est refuser que l’inclusion devienne un privilège conditionnel, réservé à ceux qui savent se taire et obéir.
Il ne s’agit pas de confrontation.
Il s’agit de dignité.
De pouvoir dire: je ne me laisserai pas parler comme à un.e enfant.
De pouvoir exister dans les espaces collectifs sans devoir mendier le respect ou négocier son humanité dans sa différence.
Parce que l’inclusion n’a de sens que si elle commence par la reconnaissance de cette humanité.
Parce qu’un "dialogue" sans égalité n’est qu’un monologue du pouvoir.
Et parce que le collectif, sans équité, n’est qu’une autre forme de soumission.
Alors, non.
Je ne viendrai pas "m'entretenir" pour "échanger" dans ces conditions.
Je choisis de préserver mon intégrité et ma dignité.
Et j’espère qu’un jour, nos institutions apprendront à écouter sans dominer.
À accueillir sans corriger.
À inclure sans humilier.



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